La Crise au Portugal et les changements législatifs conséquents

Le Portugal a entrepris de nombreux changements législatifs à cause de la crise qui y sévit au cours de ces quatre dernières années.

Bien que ces changements se soient répandus dans plusieurs branches du Droit, il est évident que certains domaines ont bien plus attiré l’attention du législateur dans la mesure où ils sont liés de plus près à la situation économique du pays.

1.    La branche du Droit qui a subi un plus grand nombre de changements est le Droit du Travail. Ils ont été très contestés non seulement par des juristes mais également par d’autres spécialistes qui se sont penchés sur leurs éventuelles conséquences sociales.

Entre 2013 et 2014, il y eu deux changements législatifs très importants, qui ont été la cible d’une contestation sociale et générale.

Le premier changement effectué au Code du Travail était lié au droit de compensation des salariés en cas de licenciement.

Avant d’aborder les changements de la Loi 69/2013, il convient de souligner que ce n’est pas la première fois que le législateur a voulu diminuer cette compensation, qui s’est réduite petit à petit pendant la durée de la crise.

De ce fait, il nous appartient d’individualiser les situations qui ont le plus souffert à cause de ces changements.

Donc, en ce qui concerne la cessation du contrat de travail, notamment le licenciement collectif, le licenciement dû à la suppression des postes de travail, et enfin le licenciement pour inadaptation du salarié, nous nous devons d’affirmer que le salarié, avant novembre 2011, avait droit à une compensation équivalente à 30 jours de salaire de base par année d’ancienneté complète, durée qui a progressivement été réduite.

Au vu de ce dernier changement législatif qui prévoit le régime actuellement applicable, le calcul de la compensation correspond à présent à 12 jours de salaire de base par année d’ancienneté complète, pour les salariés qui ont été embauchés après la publication de cette Loi.

2.    Le deuxième changement au Code du Travail qui s’avère de même extrêmement important, est lié au licenciement pour suppression du poste de travail. En ce qui concerne cette question, on remarque une évolution de la part du législateur vu que le “libre arbitre” de l’employeur a progressivement été circonscrit quand il s’agit de décider quel salarié va être licencié. C’est ainsi qu’on a commencé, lors d’une première phase, à donner à l’employeur la possibilité de définir des critères importants et non discriminatoires par rapport aux objectifs sous-jacents à la suppression du poste de travail. Cependant, le législateur a voulu, avec la Loi nº 27/2014, fixer les critères que l’employeur devra suivre pour décider quels sont les salariés à licencier suite à une suppression des postes de travail.

3.    Le législateur a eu du mal à définir ces critères, quand le dernier changement légal a été considéré comme inconstitutionnel, ce qui l’a obligé à définir de nouveaux critères qui sont d’ailleurs les suivants:

·         Évaluation de la performance (avec des paramètres préalablement connus du salarié);

·         Formation académique et professionnelle;

·         Une charge plus élevée pour le maintien du lien contractuel;

·         Moins d’expérience dans la fonction;

·         Moins d’ancienneté dans l’entreprise.

Enfin, dans le cadre du Droit du Travail, nous ne pouvons omettre un changement en matière de procédure, introduit par la Loi nº 63/2013, qui prévoit des mesures de prévention pour les cas d’utilisation incorrecte des contrats de prestation de services, en ce qui concerne les relations de travail subordonnées, couramment appelés « reçus verts »,

Ce que l’on a voulu en réalité l’Autorité chargée des Conditions de Travail notifie l’employeur pour que celui-ci régularise la situation des employés dans un délai de 10 jours lorsque que surgissent des situations où ces derniers émettent des reçus, alors qu’ils occupent un poste de travail permanent. Au cas où l’employeur ne prendrait pas les mesures nécessaires pour régulariser la situation, l’Autorité chargée des Conditions de Travail devra entrer en contact, dans un délai de 5 jours, avec le Ministère Public dont la fonction sera d’engager une procédure contre l’employeur afin de régulariser la situation en question.

4.    Un autre changement législatif qui a suscité une grande polémique et qui révèle être l’un des résultats de la crise au Portugal est la nouvelle carte judiciaire qui va entrer en vigueur le 1er septembre 2014.

Il s’agit d’une réforme profonde où 231 circonscriptions judiciaires existantes ne seront réduites qu’à 23, dont le siège se trouve dans les capitales du district où 14 auront une compétence spécialisée. La nouvelle carte judiciaire crée des “sections de proximité” où des services judiciaires seront réalisés comme la remise de requêtes ou d’actes judiciaires, audition des témoins par visioconférence;

Ces sections fonctionnent comme des extensions de tribunaux où il sera possible de réaliser des jugements, selon la décision du juge;

Des sections d’instance locale commenceront également à exister, et seront compétentes pour les actions en justice d’un montant inférieur à 50 mille euros en matière civile ou, pour des procédures pénales dont la prévision des peines est inférieure à cinq ans.

Finalement, des sections d’instance centrale commenceront à exister où des affaires d’un montant supérieur à 50 mille euros et bien plus complexes seront jugées, ou des procédures pénales dont la prévision des peines est supérieure à cinq ans.

Parmi les critiques relatives à cette nouvelle carte judiciaire, les plus habituelles sont liées à l’éloignement forcé des citoyens et par conséquent à leur déplacement jusqu’aux tribunaux en vertu de la fermeture de bon nombre d’entre eux, vu que les nouvelles circonscriptions coïncident avec les sièges des districts administratifs.

5.    L’autre nouveauté concernant l’ordre juridique portugais se rattache à la nouvelle procédure d’inventaire.

Le nouveau régime contient de nombreuses innovations, dont nous citerons celles qui nous semblent plus significatives.

Pour que cette présentation soit plus claire, nous tâcherons de diviser cette brève analyse en trois points clés:

a.    la compétence des études de notaire versus le contrôle juridictionnel;

b.    la question de la légitimité du Ministère Public pour demander/intervenir dans l’inventaire au nom des inaptes ou absents introuvables, et

c.     la procédure des biens.

Commençons dès lors par le premier point qui aborde la transmission de compétence des Tribunaux aux Notaires pour ce qui est de traiter des procédures d’inventaire.

De ce fait, la nouvelle loi permet d’attribuer la compétence aux études de notaires siégeant dans la commune du lieu d’ouverture de la succession, ainsi qu’à ceux où la procédure d’inventaire et l’acte de notoriété respectif auront lieu. Le but de cette nouvelle loi est d’accorder une hégémonie aux études de notaires quant aux inventaires, en leur accordant l’instruction de l’affaire et le pouvoir de décision relativement aux incidents éventuels pouvant surgir dans ce cadre. Il convient d’ajouter que la compétence pour les mesures inhérentes à la saisie des biens d’un héritage et à leur vente leur a été également accordée.

Le deuxième point concernant l’innovation de la loi est de retirer au Ministère Public sa légitimité pour demander ou intervenir dans la défense des inaptes ou des absents introuvables, laquelle sera transmise aux parents, tuteurs ou curateurs.

Quant à la conférence des parties intéressées, l’attribution des biens cesse d’être faîte à travers des offres entre héritiers et commencera à être faîte par des propositions présentées sous pli scellé, le montant de celles-ci ne pouvant être inférieur à 85% de la valeur de base des biens. Si l’attribution des biens ne peut être faîte de cette façon, elle devra être réalisée à travers des négociations particulières.

6.    Le Code de l’Impôt sur le Revenu des Particuliers (I.R.P.) est un autre code qui, suite à la crise, a été l’objet de changements successifs:

En résumé, les principaux changements sont liés à l’élargissement de l’application du régime réel simplifié d’imposition sur les revenus des entreprises ou des professionnels d’un montant de € 200.000, et aussi à la clarification des ménages dans les cas de divorce ou de séparation, où il existe un exercice de responsabilité parentale commun, et enfin à la l’exclusion d’imposition de sommes versées par les employeurs en ce qui concerne les assurances santé ou maladie, si cette attribution a un caractère général s’étendant à tous les salariés.

Une autre grande mesure, concernant le Code de l’Impôt sur le Revenu des Particuliers, est que les retraités étrangers qui sont imposés dans un autre pays ou qui perçoivent une pension payée par un autre État, sont exonérés d’impôt sur le revenu au Portugal pendant dix ans.

Dans le cadre de l’impôt sur le revenu des particuliers, nous estimons qu’il est important d’introduire un régime alternatif pour les personnes assujetties résidant dans d’autres États-Membres ou dans l’Espace Économique Européen, afin qu’elles puissent commencer à payer leurs impôts au Portugal, conformément aux taux de la législation portugaise. [1].

Un échange d’informations fiscales est donc nécessaire entre les pays concernés, de même qu’il faudrait que les revenus obtenus sur le territoire portugais représentent au moins 90% de la totalité des revenus d’un ménage.

7.    Quant au  Code de l’Impôt sur les Sociétés, le législateur a décidé de réaliser une réforme plus profonde. Tout comme nous l’avons fait en ce qui concerne l’impôt sur le revenu des particuliers, nous nous limiterons pour l’impôt sur les sociétés à mentionner brièvement quelques changements que nous jugeons plus significatifs. Parmi les changements plus importants, on distingue la réduction progressive du taux de l’IS (Impôt sur les Sociétés) qui s’élève en ce moment à 23%, bien qu’il y ait des cas où il baisse à 17%, comme le changement relatif au régime de transparence fiscale à travers l’élargissement du concept des sociétés professionnelles, comme c’est le cas des Sociétés d’Avocats, le prolongement du délai de report des pertes fiscales et la clarification du concept des frais déductibles.

L’autre nouveauté est la mise en place d’une régime de “participation exemption” à caractère universel qui introduit un régime se proposant d’éliminer la double imposition économique des bénéfices et des plus-values[2]. Par conséquent, il a été d’abord établi que les bénéfices et les réserves distribuées aux personnes assujetties résidentes ne contribueront pas au bénéfice imposable respectif, à condition qu’elles remplissent les conditions prévues par la loi.

En outre, au sein de ce changement, il est prévu que les bénéfices et les réserves versés à un organisme résidant dans un autre État-Membre, dans l’Espace Économique Européen (et qui est lié à la coopération dans le domaine fiscal), ou dans un État ayant conclu un Accord sur la Double Imposition, sont exonérés de retenue à la source au Portugal, du moment que ces exigences soient énoncées par la Loi.

8.    Ledit Permis de Séjour pour Activité d’Investissement, plus couramment connue comme résidence gold, a été récemment créé au Portugal.

Comme son propre nom l’indique, ce permis permet aux personnes originaires de pays en dehors de l’Union Européenne, d’entrer et de séjourner sur le territoire portugais.

À ce titre, les personnes concernées devront réaliser au Portugal un investissement d’un montant égal ou supérieur à €500 000, à travers l’achat de biens immobiliers, d’entreprises ou d’établissements commerciaux conduisant à la création de nouveaux postes de travail; devront être titulaires d’un passeport ou d’un document valable pour voyager, d’un justificatif d’entrée et de séjour légal sur le territoire portugais, devront présenter des justificatifs d’assurance santé, un extrait de casier judiciaire du pays d’origine ou du pays où elles ont résidé plus d’un an, et devront prouver que leur situation fiscale est en règle à travers une attestation de non-endettement actualisée émise par l’Autorité Fiscale et Douanière des Douanes et par la Sécurité Sociale.

Un droit de séjour au Portugal sera attribué aux personnes qui remplissent ces conditions, ce qui leur permettra au bout de cinq ans d’obtenir la nationalité portugaise, moyennant certaines exigences prévues par la Loi comme une bonne maîtrise de la langue portugaise, parlée et écrite.